
L’importance de la prévention spécialisée
Dans les quartiers populaires, il y a des métiers que l’on ne voit pas. Des métiers sans uniforme, sans sirène, sans caméra. Des métiers de la patience, du lien, de la parole et du silence. Des métiers qui n’existent que parce qu’on accepte d’y aller — là où d’autres institutions ne vont plus, ou ne savent plus comment faire.
La prévention spécialisée, c’est cela. Une présence continue, discrète, non stigmatisante. Des éducateurs et éducatrices de rue qui ne demandent pas qu’on vienne à eux, parce qu’eux-mêmes vont vers celles et ceux que tout le monde a fini par laisser de côté. C’est un métier de l’ombre, mais qui fait souvent toute la différence.
On ne mesure pas en budget ce que représente un mot dit au bon moment à un jeune à la dérive. On ne chiffre pas en millions ce que vaut une relation de confiance construite jour après jour, dans l’incertitude, parfois dans l’urgence, toujours dans la dignité. La prévention spécialisée, ce n’est pas une prestation de service, c’est un engagement.
Dans les quartiers QPV de l’Hérault — à Sète, à Frontignan, à Béziers ou à la Mosson — ces éducateurs sont depuis des années des figures familières, parfois les seuls visages de l’institution qui écoutent sans juger, qui accompagnent sans exclure, qui tendent la main sans condition. Leur travail, c’est celui du lien social à l’état brut. Là où la violence menace, ils désamorcent. Là où le décrochage est en marche, ils raccrochent. Là où les institutions ne savent plus comment faire, ils restent.
Et cela a un sens. Cela évite des placements, des incarcérations, des drames. Cela soutient des parents. Cela redonne à des jeunes une image d’eux-mêmes qu’ils croyaient perdue. Ce sont des métiers d’avenir, dans un monde qui se fracture.
Dans une époque où l’on parle souvent de sécurité, mais rarement de prévention, leur mission est pourtant centrale. Il n’y aura pas de paix sociale durable sans ce travail souterrain, sans cette présence quotidienne, sans cette humanité dans l’action publique. Ce sont les derniers passeurs dans des territoires que la République regarde parfois de loin. Les couper de leur terrain, c’est parfois couper le dernier fil.
On peut toujours invoquer les budgets, les responsabilités croisées, les arbitrages complexes. Mais quand une collectivité cesse de soutenir ceux qui soutiennent les autres, c’est bien plus qu’une ligne comptable qu’on efface. C’est un choix de société
Et dans ce choix, chacun se situe. Pour ma part, je reste convaincu que la rue n’est pas un endroit à abandonner, mais un espace à habiter — avec intelligence, engagement, et solidarité. C’est ce que font les équipes de prévention spécialisée. Et c’est pour cela qu’elles méritent plus que de la reconnaissance : elles méritent un soutien plein et entier.